Petite introduction au catharisme
par Jean Louis Fabaron, guide-accompagnateur
Lorsqu’on fait un voyage en Europe, et chez Voyages Lambert nombreux sont les circuits qui rendent hommage aux différentes nations du Vieux Continent et à leur l’histoire, il peut arriver que l’on entende parler d’une déviation religieuse appelée « catharisme » ou « hérésie albigeoise ». Ce mouvement s’est propagé parmi certaines populations à partir du XIe siècle et surtout pendant le début du XIIe siècle. On peut d’ailleurs considérer que ces grandes remises en question spirituelles qui ont caractérisé l’après an 1000 ont préfiguré la tempête religieuse qui allait secouer le monde trois siècles plus tard lorsque protestantisme et catholicisme se sont séparés. Bien que le catharisme soit associé à un moment assez trouble de l’histoire européenne, c’est un sujet que l’on évoque beaucoup pendant le circuit « France du Sud-Ouest », d’autant plus que le terme « albigeois » provient d’une des villes que nous traversons au cours de ce programme, Albi.
L’origine obscure du catharisme
Alors quand on parle de catharisme de quoi parlons-nous exactement? Nombreuses sont les personnes qui se sont emparées du sujet, des universitaires pour la plupart, mais pour le grand public il s’agit d’un domaine qui reste toujours pratiquement inconnu. Tellement peu connu, entre autres par manque de sources historiques objectives, que ce même catharisme a fait l’objet ces dernières années de beaucoup de fantasmes, lesquels ont été plus influencés par les toutes dernières philosophies « New Age » que par le désir de transmettre la vraie information. Voici donc une petite introduction au catharisme, du moins à son dogme.
Sous des noms différents, des communautés de cathares sont attestées à travers toute l’Europe à partir du Xe siècle : Bulgarie, Allemagne, Italie, Flandre, Bourgogne, Champagne… Mais, c’est dans le nord de l’Italie, et surtout dans le Midi de la France que le catharisme s’implante le plus solidement au cours du XIIe siècle, notamment grâce à la protection et souvent à l’adhésion des seigneurs locaux, qui accueillent ces communautés de « bons hommes » et de « bonnes dames » dans leurs castra. En Occitanie, les termes d’« Albigeois » et de « cathares » restent indissociables. Cela est peut-être lié au mauvais accueil réservé à Albi au légat du Pape qui avait précédé saint Bernard venu, en 1145, prêcher contre l’hérésie dans toute la région.
Parler de catharisme aujourd’hui, nous le disions, n’est pas des plus facile car les sources sont peu objectives. « Le catharisme, phénomène médiéval historique et religieux, est célèbre mais mal connu ». Cette phrase revient fréquemment chez les spécialistes et témoigne bien des difficultés que nous avons, aujourd’hui encore, à donner une définition claire de ce que fut cette dissidence religieuse, et ce en dépit de tous les travaux de recherche menés par des générations d’historiens. Il faut dire que les sources les plus nombreuses et les plus aisément accessibles ont été rédigées par les adversaires du catharisme, par ceux-là même qui l’ont condamné et combattu. Le terme même de « cathares » est apparu tardivement : on le doit à l’historien luthérien Charles Schmidt qui publia en 1848 une « Histoire et doctrine de la secte des cathares ou Albigeois ». Quant à la signification de cette appellation, elle reste assez obscure. Elle peut provenir du vieux saxon parlé en Rhénanie, « ketter », qui signifie hérétique. On peut aussi le rattacher étymologiquement à une racine grecque, « catharos », qui signifie « pur ». On sait que ce dernier terme a été utilisé par certains responsables d’église à l’époque par ironie afin de mieux discréditer ces frondeurs par rapport à l’ordre établi. De nombreuses versions existent encore. Ce que l’on sait c’est que les cathares dont on parle furent dénommés « hérétiques » dans les premiers temps par leurs adversaires. À partir du déclenchement de la croisade en 1209, ils seront plus communément appelés « Albigeois » par les croisés, qui virent dans Raimond-Roger Trencavel, vicomte d’Albi, leur principal ennemi, celui qui a laissé se développer en toute quiétude « l’hérésie » sur ses terres.
Les principes du catharisme
Le catharisme prônait un retour aux origines de la foi chrétienne, face à une Église romaine puissante, autoritaire et opulente, qui accroit son pouvoir matériel et s’éloigne, d’après les cathares, de l’idéal de vie et de pauvreté du Christ. Ne pouvant également croire qu’un dieu bon ait permis aux hommes de connaître la souffrance, les guerres ou la corruption, les adeptes du catharisme rejettent l’ensemble des sacrements catholiques. Par exemple ils refusent le dogme de la Trinité, le Père étant d’une essence supérieure au Fils et au saint Esprit; par contre, ils croient à l’existence de deux règnes, celui du Mal et celui du Bien.
Les cathares admettent deux principes : le monde visible, domaine du Mal « dont Satan est le prince » et le monde invisible, divin et lumineux, où règne le Bien. Le dieu du Mal créa le monde et la Terre; la trouvant déserte, il résolut de la peupler, pour cela, il monta au ciel et réussit à séduire une partie des anges qu’il amena sur terre. Pour les retenir, il leur donna un corps et par la différenciation des sexes, il leur permit de procréer. La Terre ainsi peuplée est l’œuvre entière des principes du mal. Le dieu des juifs (Jéhovah) était pour les cathares bien moins que Satan puisque la Genèse nous enseigne qu’il créa le monde.
Tous les cathares condamnent Abraham, Isaac, Jacob et Moïse comme ministres du diable, en revanche ils acceptent Job le psautier, les Sapientiaux, mais la référence incontournable et absolue reste pour eux l’Évangile de saint Jean. Pour les cathares le monde n’aura pas de fin, puisque le jugement dernier a déjà eu lieu, l’enfer est en ce monde et nul par ailleurs. Si le Christ fut bien envoyé aux hommes par le « Dieu Bon », il n’avait pas toutefois d’existence corporelle, si ce n’est une apparence visible mais immatérielle. Les cathares rejettent donc l’incarnation, la rédemption (mort de Jésus pour sauver l’humanité), la résurrection. Par ailleurs, ils ont une aversion pour la croix, instrument de supplice, donc objet de répulsion, mais en aucun cas de vénération. Ils rejetaient par conséquent le signe de croix, ce qui devint un indice utile pour les inquisiteurs désirant confondre un suspect.
Dans ce contexte, l’homme ne peut se sauver par une vie édifiante et charitable, il se sauve en rompant avec la Terre, après avoir reçu le seul sacrement du rite cathare, le « consolament ». Par ce sacrement, l’homme quitte moralement la Terre avant que la mort ne précipite son corps à la dissolution du tombeau. Si l’homme n’est pas « consolé », il revient sans cesse en se réincarnant sous d’autres enveloppes charnelles.
Les fidèles cathares formaient deux groupes : les consolés, appelés aussi les parfaits ou les bonshommes, formaient l’élite cathare puis en grande majorité, la foule des croyants qui pouvaient recevoir à leur tour le consolament. Pour ce faire, le croyant devait se soumettre à un long noviciat, et une fois parvenu dans le cercle des parfaits, la chasteté devenait pour lui une obligation absolue, tout comme la pratique d’un ascétisme alimentaire rigoureux (pas de viande, de lait ni d’œuf). Étaient seuls autorisés le vin, le pain, l’huile, les légumes et les fruits. Le consolament, ou baptême cathare, était reçu par une double imposition des mains et de l’Évangile de Jean après une période d’ascèse et de consentement de la communauté. Le nouveau Parfait recevait alors un habit noir qui fut abandonné à l’époque des persécutions jugé trop repérable, remplacé par un simple cordon que le Parfait mettait dans sa chemise.
Organisation des cathares
En Languedoc, Carcassonne, Albi et Toulouse notamment, ont leurs évêques cathares. Chaque évêque est assisté de deux fils (majeur et mineur). À la mort de l’évêque, le fils mineur ordonne évêque le fils majeur. L’assemblée des dignitaires nomme alors un autre fils mineur que l’évêque ordonne sur le champ. Les persécutions très actives au XIIIe, entraînant la clandestinité, perturberont très fortement le système hiérarchique cathare, au point de le faire tomber lentement en désuétude.
Les termes de cathares ou d’albigeois, que les inquisiteurs puis les historiens ont utilisés pour désigner les adeptes de cette doctrine n’ont jamais été utilisés par ses membres. Entre eux ils préféraient parler de “bonshommes” ou “bons chrétiens”.
Si l’on peut trouver facilement à redire de leurs croyances, leur souci de justice et de spiritualité ont très vite forcé le respect, car jamais ils n’usèrent de la force ni de la violence pour imposer leurs vues.
Les premières bases pour une meilleure compréhension de ce mouvement spirituel du XIIe siècle sont maintenant jetées, du moins en ce qui concerne les dogmes. Les suites, la réaction de l’Église et des têtes couronnées européennes avec des phénomènes comme la « Croisade des Albigeois » ou la « Sainte Inquisition » feront certainement l’objet d’autres articles de blogue tant il y a à dire à leur sujet. Et si vous n’avez pas la patience d’attendre ces prochains articles alors la meilleure des solutions serait d’entreprendre un voyage dans les régions d’Albi, de Toulouse, des Corbières et de Carcassonne pour en savoir plus. Notre circuit Voyages Lambert « France du Sud-Ouest » n’attend plus que vous !
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