Le défi de l’Antarctique

par Jean Louis Fabaron, guide-accompagnateur

L’Antarctique! Géographes et astronomes ont désiré depuis bien longtemps ces lieux lointains et fascinants tandis que les explorateurs et les aventuriers y ont jalonné une histoire faite de drames et de hauts faits. Une quête héroïque dont le but était de percer les secrets de l’enfer des glaces des antipodes. À notre époque et grâce à l’évolution des voyages et des technologies on peut, heureusement, s’approcher beaucoup plus aisément de ces grandes étendues aux paysages à couper le souffle, où les pics enneigés, les glaciers suspendus, la banquise immaculée se complètent harmonieusement avec les icebergs dérivants et les plages de sable noir. Voyages Lambert ne peut d’ailleurs que vous recommander de saisir la chance unique de découverte de ces ultimes à bord des navires d’expédition de Ponant vers ces lointaines contrées que sont la l’Antarctique et la Géorgie du Sud. Au-delà d’un dépaysement garanti, tout en profitant de l’univers de confort et d’élégance signé Ponant, ce sera aussi la sensation d’être sur les traces des plus grands explorateurs des hautes latitudes Sud.

Antarctique

Au tout commencement

Dans l’Antiquité que savait-on des limites de la Terre? Le bassin méditerranéen était considéré comme le centre du monde civilisé, il y avait bien quelques contacts avec l’Orient lointain mais le reste du monde n’était qu’une préoccupation de philosophes. L’idée d’un hémisphère austral va petit à petit s’imposer, car, selon Pythagore et Platon, il faut qu’il y ait une terre à l’opposé du monde connu, une terre qui le maintienne en équilibre et l’empêche de basculer. Ils l’appellent l’Antichtone, supposent qu’il serait peuplé d’habitants qu’ils nomment les Antipodes (littéralement « ceux qui marchent les pieds en l’air ») et que cet univers fantastique serait entouré d’une zone torride, de mers bouillantes gardées par des monstres terrifiants.

Au IIe siècle, Claude Ptolémée, astronome, mathématicien et géographe grec vivant à Alexandrie, dressa un atlas de la terre et du ciel. Celui-ci fut maintes fois réimprimé jusqu’à la fin du XVIe siècle et sa vision du monde fut largement partagée par tous les lettrés de la Renaissance. On peut y voir par rapport au sujet qui nous intéresse un océan Indien bordé vers 20° de latitude sud d’une « Terra incognita ».

Dès la toute fin du XVe siècle on commence néanmoins à voir apparaître les preuves d’une autre vision du monde. En franchissant en 1497 le Cap de Bonne-Espérance et en faisant route vers les Indes, Vasco de Gama prouve que l’océan Indien n’est pas une mer fermée. Avant lui, une expédition chinoise commandée par l’amiral Cheng-Ho en avait fait l’expérience. En 1520, Magellan longe la côte d’Amérique du Sud à la recherche d’un passage vers l’ouest et par 52° sud il découvre le canal qui portera son nom, ouvrant la route du Pacifique. Il baptise l’endroit « Terre des feux », persuadé qu’il s’agissait là de la côte nord du continent Antarctique.

Les premiers atlas modernes datent de 1570. Celui du hollandais Ortelius donne une image du monde qui tient compte de toutes ces découvertes, mais il reste encore assez approximatif en ce qui concerne les terres australes. En effet, il dessina un grand bloc continental là où nous savons aujourd’hui que se trouvent la Terre de Feu, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Antarctique.

Au XVIIe siècle, les navigateurs hollandais vont à leur tour, détruire encore un peu le mythe d’un immense continent antarctique. En 1616, Lemaire et Schouten franchissent le Cap Horn et démontrent que la Terre de Feu est une île. Vingt-cinq ans plus tard, Abel Tasman contourne l’Australie sans la voir, mais découvre successivement la Tasmanie et la côte occidentale de la Nouvelle-Zélande qu’il prend pour l’extrémité du continent austral. Cependant ces terres désolées ne susciteront pas grand intérêt, et l’Occident préfèrera exploiter les richesses du marché asiatique ainsi que celle du Nouveau-Monde, renonçant ainsi pour un temps aux voyages d’exploration vers le sud. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que le continent austral, pas encore localisé, va devenir pour les navigateurs un nouvel Eden et c’est à ce moment-là que tous voulurent être les premiers à le découvrir.

Le temps des pionniers, James Cook et Bellingshausen

De ces zones inexplorées, les philosophes rêvaient d’y faire un laboratoire pour leurs recherches, espérant y trouver les « bons sauvages » qui confirmeront leurs théories. « Je préfèrerais une heure de conversation avec un indigène de la Terra Australis Incognita plutôt qu’avec le plus grand savant d’Europe ». Ainsi s’exprimait Maupertuis, mathématicien français, ami de Frédéric II de Prusse. C’est sur cette utopie d’une terre bénie que se monte la première véritable expédition antarctique, celle de James Cook. Elle se déroulera de 1768 à 1771, avec l’Endeavour et 85 hommes d’équipage. James Cook réalisa une circumnavigation qui le fit passer par le Cap Horn, Tahiti et la Nouvelle-Zélande. Il avait pour mission secrète de rechercher le continent austral à partir de Tahiti, mais à son retour, il fit clairement savoir que son voyage avait fait disparaître la plupart, sinon la totalité, des arguments avancés par divers auteurs pour prouver qu’il devait exister un continent austral au nord du 40e parallèle sud. L’Amirauté ordonna toutefois une deuxième expédition, cette fois avec deux navires, le Resolution et l’Adventure qui devait résoudre définitivement le problème du continent austral et qui se déroula de 1772 à 1775. Le cercle polaire antarctique sera franchi le 17 janvier 1773 mais l’expédition n’ira pas plus loin, même si l’on sait qu’elle navigua au milieu des icebergs et que les membres d’équipage chassèrent les éléphants de mer avec des canots. Lorsque Cook rentre en Angleterre il déclara : « J’ai fait le tour de l’hémisphère austral dans une haute latitude et je l’ai longé de manière à prouver, sans réplique, qu’il n’y a point de continent, à moins qu’il ne soit plus près du pôle sud et hors de portée des navigateurs ».

Une nouvelle réalité s’imposait cependant : il n’était pas question d’établir avec le continent austral le commerce fructueux qu’avaient imaginé certains, pas plus que de découvrir les sociétés humaines rêvées par les philosophes. Néanmoins, attirés par les rapports de Cook sur la richesse des eaux antarctiques, les baleiniers anglais et américains vont venir nombreux au sud du Cap Horn. Opérant à partir de la Géorgie du Sud, ils massacreront en quelques années des milliers de phoques et de manchots, sans pour autant améliorer les connaissances géographiques, car non seulement ils tenaient à garder secrets leurs lieux de chasse mais encore ils étaient incapables de faire des relevés précis.

James Cooke et Fabian Gottlieb von Bellingshausen

En 1819, le tsar Alexandre 1er se lance à son tour dans l’aventure antarctique : ce sera l’expédition Bellingshausen. Ce dernier était un grand admirateur de Cook et voulait pousser le plus loin possible au sud, afin de compléter les explorations de son prédécesseur. Ce deuxième voyage de circumnavigation antarctique permettra d’approcher au début du mois de février 1820 à moins de 30 miles nautiques de la côte, à la latitude 69° 25’ sud, où, selon toute vraisemblance, Bellingshausen est le premier à apercevoir le continent. Il continuera à naviguer vers l’est et le sud du cercle polaire, dans des secteurs inconnus de Cook. Il relâche en avril à Sydney, puis repart en novembre. Il découvrira deux terres nouvelles, qu’il nomme Île de Pierre, en l’honneur de Pierre le Grand et Terre d’Alexandre, en l’honneur d’Alexandre 1er.

Le temps des découvertes : Dumont d’Urville, Wilkes et Ross

Par la suite c’est une compagnie de baleiniers anglaise qui fera d’importantes découvertes. En effet, à l’inverse des maisons concurrentes, la firme Enderby consacrera beaucoup d’efforts aux découvertes géographiques et elle s’illustrera grâce à deux de ses capitaines, John Biscoe et John Balleny. John Biscoe appareille en 1830 pour le sud. Il aperçoit en janvier 1831 une terre au sud de l’Afrique qu’il nomme Terre d’Enderby, puis il relâche à Hobart, traverse le Pacifique et découvre au sud du Cap Horn l’Île Adelaïde et la Terre de Graham. John Balleny, quant à lui, apercevra le 9 février 1839 un groupe d’îles à 500 miles nautiques de la future Terre Adélie et auxquelles il donne son nom.

De 1838 à 1843 des expéditions françaises, américaines et anglaises vont s’approcher du pôle magnétique et découvrir chacune un secteur de la côte. À Paris en 1837, Dumont D’Urville, officier de la marine célèbre pour avoir ramené la Vénus de Milo et pour avoir fait deux fois le tour du monde, vient proposer au ministre de la Marine de Louis-Philippe le plan d’une nouvelle expédition dans le Pacifique. On est au moment où les Anglais et les Américains semblent se rapprocher dangereusement du Grand Sud puisque Weddell a atteint les 74°15’. L’expédition est acceptée mais, selon la volonté du roi, elle ne doit explorer que les eaux antarctiques. En 1839 les deux navires de l’expédition, l’Astrolabe et la Zélée, n’atteignent que 63° 23’, mais Dumont d’Urville effectuera cependant le relevé des îles de la côte nord de la Terre de Graham. En décembre de la même année les deux bateaux relâchent à Hobart et c’est là que naîtra le projet de pousser le plus au sud possible en suivant la ligne du méridien de Hobart. Une décision d’autant plus justifiée que l’expédition américaine, en pause à Sydney, et l’expédition de James Ross poursuivaient le même but. Le 19 janvier 1840, Dumont d’Urville aperçoit la côte du continent Antarctique, il en fait la Terre Adélie, en l’honneur de son épouse Adèle. Le drapeau français y est planté et les officiers procèdent à des mesures, tout ceci pour montrer que les deux navires sont bien les premiers à s’être approchés du pôle magnétique Sud, situé à l’époque, à l’intérieur du continent.

Pratiquement au même moment, en 1836, le président américain Quincy Adams doit se battre contre le Congrès pour organiser une expédition dans les latitudes australes. Ce seront les baleiniers américains, alors tout puissants, qui feront fléchir le Congrès et c’est ainsi qu’en août 1838 une armada hétéroclite de six navires appareille sous le commandement de Charles Wilkes. Une première campagne autour de la Terre de Graham se solde par un échec. Deux navires complètement inadaptés sont renvoyés vers les États-Unis, les autres traversent le Pacifique et relâchent à Sydney. Le 26 décembre 1839, cinq jours avant Dumont d’Urville, Wilkes appareille vers le sud. Le 19 janvier, jour où Dumont d’Urville découvre la Terre Adélie, il se trouve à 500 miles nautiques à l’est. Là, il a l’impression d’apercevoir une nouvelle terre mais c’était un mirage complet. Cependant Wilkes aura plus de chance à l’ouest de la Terre Adélie ou le navire Vincennes fera voile pendant douze jours le long d’une côte nouvelle qui porte aujourd’hui son nom.

La troisième expédition, celle de Sir James Clark Ross, parfaitement préparée, sera aussi la plus réussie. Le but était d’étudier le magnétisme terrestre. Ross, choisi comme chef d’expédition, avait déjà localisé le pôle magnétique Nord. Il dispose de deux navires l’Erebus et le Terror et à l’automne austral 1840 Ross est à Hobart où il apprend les détails de la découverte de la Terre Adélie ainsi que ceux de l’itinéraire de Wilkes. Fort de ces renseignements il décide de suivre le plus au sud possible le méridien 170° afin de ne pas interférer avec les autres corps expéditionnaires. Il appareille de Hobart en novembre 1840. Début janvier, il découvre la Cap Adare par 71° sud, puis il continue toujours plus au sud en longeant une grande chaîne de montagnes, la Terre Victoria, le record de Weddell est battu! Fin janvier 1841 la progression est stoppée par 77° 10’ sud devant une baie que Ross baptise Mc Murdo, au pied d’un volcan actif, l’Erebus, qui culmine à 3785 mètres. Quittant les nouvelles terres découvertes, Ross découvrira une immense falaise de glace qui surplombe la mer de 50 m et qui s’étend sur 800 km, la barrière qui portera son nom. L’Erebus et le Terror rentreront en Angleterre en septembre 1843 forts d’une brillante campagne de multiples découvertes.

Les navires Erebus et Terror, en Antarctique. Par John Wilson Carmichael, 1847

En conclusion, mais en est-ce vraiment une?

La toute fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle verront le travail géographique reprendre, après un peu plus d’un demi-siècle de parenthèse, de la façon la plus exhaustive qu’il fut possible et ceci en fonction des possibilités et évolutions techniques de chaque moment. C’est pendant ces années, pas si lointaines de nous, que des noms comme Shackleton, Amundsen, Scott ou Charcot écriront au nom de la grande aventure des explorations humaines la grande saga du pôle sud.

Nous assistons depuis le début du troisième millénaire à une toute nouvelle ère pour ces terres lointaines et fascinantes. L’Antarctique est désormais, en attente du tourisme spatial, l’ultime frontière à explorer et rares sont encore les élus qui peuvent se vanter de les avoir approchées. Comme le disait Jean-Baptiste Charcot, le Gentleman des pôles, « Ici c’est le sanctuaire des sanctuaires, où la Nature se révèle dans sa formidable puissance. L’homme qui a pu pénétrer dans ce lieu sent son âme qui s’élève ». Chez Voyages Lambert nous considérons qu’il s’agit de l’expérience d’une vie car nous savons qu’il est des voyages qui changent à jamais le regard que l’on porte sur la planète. Les croisières en Antarctique et Géorgie du Sud sur les navires d’expédition de Ponant font partie de ces moments privilégiés où l’émotion culturelle sera toujours au rendez-vous. D’ailleurs, vous remarquerez que plusieurs des navires de la flotte Ponant arborent fièrement le nom de ces explorateurs, comme hommage à leur bravoure et curiosité, et en invitation à la découverte de ces contrées encore vierges. Partez en groupe ou en individuel, mais ne ratez pas la chance de découvrir le Grand Continent blanc.

Dumont d’Urville et le navire éponyme de Ponant

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