Espelette et son piment, spécialité basque
par Jean Louis Fabaron, guide-accompagnateur
À la fois proche de l’Espagne et de la côte basque, Espelette est un petit village français, charmant et pittoresque avec ses rues encadrées de maisons blanches fleuries, aux boiseries vertes ou rouges, et en pierres de taille dans lequel nous passons à l’occasion du circuit de Voyages Lambert « France – De Lyon au Pays basque ». C’est véritablement le village basque tel que l’on peut se l’imaginer. Enveloppé dans un décor de verdure au cœur des montagnes basques, blotti au pied du Mondarrain qui culmine à 750 mètres, Espelette, s’enorgueillit d’un glorieux passé en relation avec son château.
Espelette, dont l’étymologie signifie « lieu planté de buis », et le nom du château, tirent leur nom d’une famille noble de Navarre où le buis abonde. Les barons d’Ezpeleta firent bâtir un château vers l’an 1000. La baronne Juliana Henriquez mourut sans descendance en 1694, et légua le château aux habitants d’Espelette. Mais aujourd’hui Espelette est mondialement connu grâce à la culture d’une épice, venue de l’autre côté de l’Atlantique, le piment d’Espelette, l’or rouge du Pays basque. Il est vrai qu’il est présent à chaque coin de rue ou sur chaque façade de maison.
Le piment d’Espelette
Importé en Europe du Mexique et de Colombie, le piment est arrivé au Pays basque pour servir au départ à relever… le chocolat! Aujourd’hui il est l’emblème du Pays basque français et est très recherché par tous les grands chefs de la gastronomie bien au-delà du Labourd et du Pays basque. Espelette est un village qui se pare de rouge dès septembre lorsqu’on accroche les grappes de piments aux façades des maisons pour les sécher, un spectacle à ne pas manquer; chaque année d’ailleurs des milliers de personnes envahissent Espelette pour la traditionnelle fête du piment! Depuis les années 60, une trentaine de producteurs cultivent le piment qui a obtenu l’appellation AOC en 1999. Il semblerait même que, outre ses qualités gustatives, le piment d’Espelette ait, aux dires des anciens, des vertus curatives!
Les trois formes du piment d’Espelette
1- Le piment d’Espelette en entier frais, est le fruit non transformé, ne présentant aucune coloration verte, sa forme est régulière et conique, son épiderme est lisse, sa longueur est comprise entre 7 et 14 cm hors pédoncule. Il est destiné aux professionnels (producteurs, transformateurs) pour la transformation en poudre et produits dérivés.
2- La corde de piment d’Espelette. Elle comprend un minimum de 20 piments jusqu’à un maximum de 100 piments de couleur rouge, de taille homogène, compris entre 7 et 14 cm hors pédoncule. Cordage manuel sur l’exploitation, les piments entiers frais sont enfilés par le pédoncule sur une ficelle à usage alimentaire.
3- La poudre de piment d’Espelette, d’une couleur orangée à rouge brun, se caractérise par une intensité olfactive dominée par les arômes de fruité, de grillé et/ou de foin, associés à un piquant fort mais non brûlant, plus ou moins long en bouche, qui s’exprime au palais progressivement et/ou par une sensation de chaleur. En bouche, la poudre de piment d’Espelette peut présenter une note sucrée et/ou une pointe d’amertume. Sa mouture doit être suffisamment fine pour que les particules n’excèdent pas 5 mm. L’adjonction de tout colorant, additif ou conservateur est interdit. La poudre de piment d’Espelette est exclusivement obtenue à partir de piments issus d’une même exploitation.
Une épice ancestrale
C’est au Mexique que l’on trouve les plus anciennes racines du piment d’Espelette. Ce sont les premiers grands explorateurs qui ont permis de diffuser en quelques années la culture du piment dans le monde. Mais comment ce piment est-il arrivé dans les potagers de la province du Labourd? Nul ne le sait, mais dès 1650, on retrouve les premières traces de piment autour d’Espelette. Ce sont les femmes qui ont commencé à le cultiver, car elles voyaient en lui un bon moyen de remplacer le poivre, trop cher à l’époque. Le piment était utilisé comme une épice qui servait aussi bien à l’assaisonnement qu’à la conservation des viandes et des jambons. Chaque année, les femmes sélectionnaient les graines des piments pour réaliser les futurs semis : elles ont donné naissance à la variété « gorria », unique semence fermière qui donnera le piment d’Espelette.
À l’automne, pour faire sécher les piments, les femmes les enfilaient sur une corde afin de les disposer contre un mur de la ferme. Une fois séchées, les cordes étaient passées au four à pain encore chaud de la veille. À la sortie du four, les piments devenus bien craquants, étaient pilonnés pour la réalisation de la poudre. Une réelle transmission de ce savoir-faire s’est effectuée de générations en générations.
Ce n’est qu’en 1983, avec la création d’une coopérative, qu’il y a eu une réelle envie de professionnaliser la transformation de piment d’Espelette. Mais plusieurs difficultés rencontrées entraineront sa fermeture. La culture du piment d’Espelette a connu un vrai déclin et a bien failli disparaître. Mais le piment d’Espelette, épice exceptionnelle, n’avait pas dit son dernier mot. Et sous l’impulsion des producteurs regroupés en syndicat depuis 1993, il obtient sa reconnaissance officielle en AOC (appellation d’origine contrôlée) en 2000 et en AOP (appellation d’origine protégée) en 2002.
Les arcanes de la culture du piment d’Espelette
1- Le terroir
Au creux d’un théâtre de collines et de crêtes, proche de l’océan, la zone de l’Appellation bénéficie d’un microclimat aux températures douces en été, à la pluviométrie généreuse favorisée par la brise naturelle que crée ce relief tourmenté. Apparenté à l’ambiance subtropicale, ce bioclimat favorise la croissance et le développement harmonieux du piment d’Espelette. Il s’agit d’une zone de production sous label limitée, qui s’étend sur 10 communes situées dans la partie occidentale du Pays basque – département des Pyrénées Atlantiques :
- Souraïde et Larressore (retenues en totalité),
- Ainhoa, Ustaritz, Itxassou, Halsou, Jatxou, Cambo-les-Bains, Espelette, Saint-Pée sur Nivelle
2- Le choix des semences et le semis
Durant la récolte, chaque producteur sélectionne sa semence sur les plants les plus précoces et robustes, ayant un joli port et produisant des fruits typiques. Ce mode de production, basé sur la sélection fermière, distingue la filière et permet de conserver la variété rustique « gorria ». Au mois de mars, les semences sélectionnées servent à réaliser les semis. La température optimale de germination, se situe entre 20° et 22°C. Il faudra attendre une quinzaine de jours pour que le piment atteigne le stade « deux cotylédons ».
3- Repiquage et plantation
Lorsque les deux premières feuilles se mettent à plat, on voit apparaitre au centre une troisième feuille, appelée première vraie feuille. À ce stade de développement, chaque plant sera repiqué dans des alvéoles préalablement remplies de terreau. Il aura ainsi l’espace nécessaire à sa croissance. Pendant deux mois, les jeunes plants resteront à l’abri sous serre.
Dès que la météo le permet en avril-mai, les terres sont préparées. La plantation se fait entre le 1 avril et le 15 juillet en pleine terre, en sol nu ou partiellement sur paillage. Chaque pied de piment est planté à 40 cm de distance, afin de respecter une densité maximum nécessaire au bon développement de la plante. L’irrigation est interdite au-delà d’un mois à compter du début de la plantation de la parcelle et à partir du 15 juillet.
4- Entretien et croissance
À partir de la plantation, la maitrise des mauvaises herbes et le tuteurage vont devenir la préoccupation de tous les producteurs. La pratique du binage dans les allées favorise l’oxygénation de la terre. Cela permet d’éviter un excès d’eau et un tassement du sol qui conduiraient à une asphyxie racinaire et par conséquent à la mort de la plante. Grâce à l’élévation de la température et à la pluviométrie importante en été, les plantes évoluent très vite pour atteindre 1 mètre de haut à la mi-juillet. En pleine végétation la floraison se fera en continue jusqu’aux premières gelées.
5- Récolte, tri et transformation
L’arrivée de la couleur rouge dans la parcelle de piment annonce le temps de la récolte. Elle s’effectue manuellement de manière échelonnée, à partir du mois d’août jusqu’aux premières gelées et au plus tard le 1 décembre. Immédiatement après la cueillette, la récolte de piment est nettoyée et triée. La totalité ou une partie est destinée à la transformation en poudre. Les piments sont répartis sur des clayettes grillagées ou enfilés sur de longues cordes pour une période de maturation (15 jours minimum). Les piments se déshydratent lentement permettant un développement harmonieux des arômes évoquant la tomate, le poivron, et bien d’autres parfums nuancés. Le piment d’Espelette peut également être utilisé fraichement récolté pour confectionner des cordes qui seront commercialisées soit fraîches, soit sèches. Il peut être utilisé frais pour l’élaboration des produits transformés. Pour la transformation en poudre lorsque les piments ont atteint le stade voulu de maturité, ils subissent l’équeutage (c’est-à-dire l’ablation à la main du pédoncule) puis se retrouvent à nouveau sur des clayettes pour un dernier séchage au four (type séchoir à tabac) à une température modérée. À la sortie du four, alors que les piments sont craquants, ils sont broyés afin d’obtenir une poudre de piment. La mouture désirée, plus ou moins fine, ne laisse jamais une graine entière et permet l’expression complète du piquant.
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La vraie recette du poulet à la basquaise
Délicatement relevé au piment d’Espelette, ce plat, d’une extrême simplicité pour sa préparation, s’accompagne traditionnellement de riz pour un maximum de plaisir.
Préparation
15 minutes
Cuisson
45 minutes
Portions
4
Ingrédients :
1 poulet entier coupé en 8 morceaux
6 tomates bien mûres
5 piments d'Espelette
3 poivrons
1 oignon
3 gousses d'ail
Huile d'olive
Farine
1 cuillère à thé de piment d'Espelette en poudre
Thym
Feuilles de laurier
Set et poivre
Instructions :
- Dans une grande casserole (ou un wok, c’est idéal), faites revenir dans de l’huile d’olive à feu doux, l’ail, l’oignon, les poivrons et les piments débités en lamelles. Une fois que l’oignon devient translucide, ajoutez les tomates pelées en morceaux, ainsi que le laurier et le thym. Salez, poivrez et laissez mijoter environ 25 minutes.
- Pendant ce temps, découpez le poulet en 8 morceaux (pilons, hauts de cuisses, blancs, ailes).
- Mélangez la farine et le piment d’Espelette en poudre, puis enrobez les morceaux de poulet que vous ferez revenir à feu doux dans une cocotte ou une poêle avec un tout petit peu d’huile d’olive.
- Une fois que le poulet est bien coloré et cuit, mélangez-le avec le reste et faites encore mijoter 15 minutes environ.
- Bon appétit!