La place des femmes dans l’histoire : 5 monuments créés par des femmes à travers le monde
Par Raphaël Weyland
À l’occasion du mois de l’histoire des femmes, Voyages Lambert vous propose de découvrir 5 monuments créés par des femmes à travers le monde. Une belle manière de rappeler que le patrimoine mondial est aussi féminin!
Le temple funéraire d’Hatchepsout
(Égypte, XVe siècle avant J.-C.)
Saviez-vous que le plus vieil écrivain connu est une femme? Il s’agit de la mésopotamienne Enheduanna, fille du roi d’Akkad Sargon, fondateur au XXIVe siècle avant J.-C. de ce qui est considéré comme le premier empire de l’histoire. Des œuvres entières de cette poétesse millénaire ont été conservées jusqu’à nos jours. Mais la première femme dirigeante dont l’histoire ait conservée le nom est bien postérieure. Il s’agit d’Hatchepsout, reine d’Égypte de 1479 à 1457 avant J.-C.
Hatchepsout, une femme Pharaon
C’est la fille du Pharaon Thoutmosis Ier et l’épouse de son propre demi-frère Thoutmosis II. Elle commence à dominer les affaires du royaume en 1479, à la mort de ce dernier. Officiellement, elle n’est que la belle-mère de son neveu né d’un premier lit, Thoutmosis III. Mais en réalité, elle dirige le pays durant plus de 20 ans, écartant systématiquement le jeune homme et se faisant même couronner elle-même Pharaon. Évitant des guerres qui auraient peut-être pu remettre en question sa position, elle se consacre à l’organisation d’expéditions commerciales vers le lointain pays de Pount, l’actuelle Somalie, d’où on rapporte des produits exotiques comme la gomme, la myrrhe et des babouins sauvages. Elle fait aussi construire plusieurs monuments, dont l’un des plus fastueux tombeaux de toute l’Histoire : le temple funéraire de Deir el-Bahari, que nous visitons lors de nos circuits en Égypte. Il se présente sous la forme d’une gigantesque esplanade s’élevant en degrés vers des cours à colonnes et un sanctuaire creusé dans le roc. On sait par des descriptions de l’époque que des arbres à myrrhe et des représentations des expéditions commerciales « du » Pharaon Hatchepsout. Qui a dit que la mégalomanie et la soif de pouvoir n’étaient que masculines?
Après sa mort, ses constructions les plus éclatantes furent détruites ou réduites par Thoutmosis III, par ressentiment ou par volonté d’effacer le rôle exceptionnel de cette femme exceptionnelle. Mais que ce soit avec nos circuits en Égypte ou à l’aide de ce court documentaire filmé lors d’un voyage, il est encore possible d’observer la splendeur de cette première femme politique de l’histoire.
La tombe de la Dame de Cao
(Pérou, IVe siècle)
Au printemps 2006, des archéologues annoncent une découverte exceptionnelle réalisée dans la pyramide de Cao Viejo sur le site d’El Brujo, dans le nord-ouest du Pérou. C’est la momie d’un personnage important, entourée de bijoux et d’ornements funéraires d’une richesse toute particulière. Leurs motifs et leurs méthodes de fabrication les rattachent à la civilisation Moche, qui dominait la côte du pays entre le Ier et le VIIe siècle. Mais cette momie présente une caractéristique inédite : le souverain est une femme, qu’on surnomme la Dame de Cao. Elle devient ainsi le pendant féminin du célèbre Seigneur de Sipán, dont la tombe couverte d’or était le symbole de la civilisation mochica depuis sa découverte en 1987. La technologie 3D a récemment permis de reconstituer leurs deux visages (elle et lui).
Une découverte qui change tout
Sa découverte bouleverse toutes les hypothèses élaborées jusque-là sur les civilisations précolombiennes et la place qu’elles réservaient aux femmes. On ne sait pas grand-chose sur les actes de cette souveraine. Des serpents tatoués sur sa peau ont pu la faire considérer comme une chamane ou une guérisseuse, alors que la richesse de sa tombe laisse deviner un rôle prédominant. Des archéologues ont même proposé de la rattacher à des éléments de l’iconographie mochica montrant un personnage féminin menant des cérémonies et même des combats. Jusqu’en 2006, ce personnage était considéré comme une déesse, puisqu’aucune trace d’une femme jouant un rôle politique n’avait été découverte.
C’est entre autres à la découverte de cette étonnante culture mochica que vous invite notre circuit vers l’Autre Pérou.
Le mausolée de Galla Placidia
(Italie, Ve siècle)
Située sur la côte nord-est de l’Italie, la ville de Ravenne est aujourd’hui un port à l’importance à peine régionale. Mais au Ve siècle, c’était la capitale de l’Empire romain d’Occident. Affaibli par les guerres civiles, les épidémies et les invasions, celui-ci était sur le bord de l’effondrement. Au milieu des décombres se construit pourtant l’un des plus beaux monuments de l’Antiquité : le mausolée de Galla Placidia.
Une femme forte dans un empire faible
Celle-ci a une vie rocambolesque. Petite-fille, fille, sœur et mère d’Empereurs, elle joue un rôle de premier plan dans la destinée de l’Empire. En 410, alors qu’elle agit comme représentante de la famille impériale à Rome même, elle est capturée par les Goths qui font tomber l’ancienne capitale pour la première fois depuis 800 ans. Mais elle n’agit pas en simple otage. Pour ramener les Goths dans le giron impérial, elle épouse l’un de leurs chefs, Athaulf, avec lequel elle a un fils qui pourrait prétendre au trône impérial : Théodose. Mais Athaulf est assassiné par des Goths mécontents de son rapprochement avec les Romains et l’enfant meurt à son tour. Galla est alors livré à son frère, qui lui fait épouser un général ambitieux, Constance. De ce mariage naîtront 2 enfants, le futur empereur Valentinien et sa sœur Honoria. Après la mort de son frère et de son mari, Galla Placidia prend en main l’empire en écartant son fils et mène l’État au milieu des terribles difficultés du siècle. Menacée par les usurpations, les révoltes et les attaques d’Attila le Hun, elle parvient néanmoins à laisser un empire encore viable à Valentinien en 450. Cette embellie ne durera pas longtemps et l’empire s’effondrera en 476.
Pourquoi et pour qui a-t-on construit le mausolée de Galla Placidia?
Son règne dans l’ombre s’accompagne d’un très fort développement culturel, dont le mausolée qu’elle fit construire est le plus exemple. L’extérieur est modeste, avec ses briques apparentes et son toit de simples tuiles. Mais l’intérieur contient des mosaïques exceptionnelles, où dominent le bleu et l’or. Elles célèbrent la victoire de la vie sur la mort et présentent plusieurs scèn
es insistant sur l’amour maternel. Ce tombeau n’abrite pourtant pas Galla Placidia elle-même. Trois sarcophages de marbre richement ornés ont abrité des personnages qu’on ne peut plus identifier, les corps ayant été brûlés par accident en 1577. Le détail des décorations laisse penser que le premier accueillit son mari Constance, le second son fils Valentinien. Et le troisième? Probablement Théodose, l’enfant qui aurait pu réunir Goths et Romains et peut-être relancé l’empire.
Ce mausolée fait aujourd’hui partie d’un ensemble de monuments inscrits sur la liste du patrimoine de l’UNESCO. Nous les visitons lors de nos circuits nommés « Italie, musée à ciel ouvert » . En voici un court aperçu en vidéo.
Le puits de la Rani ou le Rani-ki-vav
(Inde, XIe siècle)
Pendant une grande partie de son histoire, l’Inde a été divisée entre des dizaines ou même des centaines d’États rivaux. Du Xe au XIIIe siècle, le nord-ouest du pays (Gujarat et Rajasthan) était ainsi dominé par la dynastie des Solanki. De leur capitale à Patan, ceux-ci contrôlaient les échanges entre le centre de l’Inde et l’actuel Pakistan. Leur richesse leur permit de faire élever de nombreux monuments splendides, dont l’une des grandes caractéristiques est l’abondance des piliers sculptés. Le résultat est l’un des plus extraordinaires ensembles architecturaux du monde et plusieurs sites inscrits au patrimoine mondial. Nous en visitons quelques-uns dans nos circuits vers l’Inde du Nord . Parmi ceux-ci, il en est un qui se distingue. C’est le puits de la Rani (reine), construit entre 1063 et 1083 à l’instigation de la reine Udayamati.
Le Rani-vi-vav, construit par une reine pour l’amour d’un roi… ou du pouvoir?
Situé sur les rives de la Sarasvati, à Patan, ce monument a été construit au départ comme un mémorial pour Bhima Ier, mari d’Udayamati. Il prend la forme d’un temple inversé soulignant le caractère sacré de l’eau, avec 7 niveaux descendant jusqu’à une citerne située à 28 mètres de profondeur. Les puits à degrés comme celui-ci sont une typologie architecturale propre au sous-continent indien. Apparus dès le IIIe millénaire av. J.-C., ils ont évolué au fil du temps : depuis ce qui était simplement une fosse accessible dans un sol sablonneux jusqu’à des ouvrages artistiques et architecturaux très élaborés comme celui-ci. Plus de 500 sculptures principales et un millier d’autres mineures composent une imagerie religieuse, mythologique et séculaire, avec de fréquentes références à des œuvres littéraires. Bien que l’influence d’Udayamati à la cour de Patan après la mort de son mari ne soit pas assurée, la place particulière faite à des divinités féminines du panthéon hindou dans les sculptures qui ornent le puits laisse deviner une certaine volonté politique. Dans tous les cas, que ce monument ait été construit pour célébrer la puissance du roi ou pour imposer celle de la reine, il s’agit d’un chef-d’œuvre.
Kazuyo Sejima et le musée du XXIe siècle de Kanazawa
(Japon, XXIe siècle)
Le Musée d’art contemporain du XXIe siècle de Kanazawa a été ouvert en octobre 2004 en tant que musée d’art de style nouveau, différent des structures conventionnelles. Sa forme ronde fait penser à un ovni ; ses murs entièrement vitrés sur le jardin traditonnel Kenroku-en suggèrent plutôt l’intégration à l’environnement et l’ouverture aux visiteurs. Il accueille une collection de type expérimental, que les visiteurs peuvent toucher et parfois même abîmer. Son aspect le plus fascinant lui vient de ses « travaux sur commande », des œuvres intégrées à la structure même du musée et en faisant en lui-même une création en continuelle évolution. Nous ne manquons jamais de le visiter dans nos circuits au Japon. Ce concept révolutionnaire a été créé par l’architecte japonaise Kazuyo Sejima.
L’une des plus célèbres architectes des dernières années
Née en 1956 à Hitachi, elle étudie l’architecture, une discipline alors considérée comme masculine, dans la Japan Women’s University. À partir de 1987, elle travaille dans sa propre agence, aujourd’hui appelée SANAA, l’une des premières du genre au Japon. Elle se distingue en prônant l’intégration de ses monuments au bâti environnant, tout en choisissant des formes et des matériaux futuristes et lisses : courbes, verre, marbre. Après plusieurs réalisations dans les îles nippones, dont le musée du XXIe siècle, elle se lance dans des projets internationaux : le Rolex Learning Center de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, le New Museum of Contemporary Art de New York, le Louvre-Lens … Ces réalisations lui ont valu de remporter de nombreux prix, dont le Lion d’Or de la Biennale de Venise et les prestigieux prix Pritzker et Versailles.
Vous pourrez visiter ce musée du XXIe siècle qui a fait connaître Kazuyo Sejima au monde lors de nos circuits nommés « Japon, symbiose de la beauté et de la modernité ».
Après des siècles de pouvoir féminin à la fois incertain et dans l’ombre, cette architecte de la lumière et ses monuments futuristes annoncent assurément une certaine évolution de l’Histoire!
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