Oman, une tradition maritime multimillénaire

par Jean Louis Fabaron, guide-accompagnateur

Le Sultanat d’Oman, terre lointaine et mystérieuse, s’est ouvert au tourisme tardivement et peu nombreux encore sont les voyageurs à s’y être rendus. Pour Voyages Lambert il s’agit de l’une de nos destinations de prédilection depuis plusieurs années et nous l’abordons au travers de notre circuit « Sultanat d’Oman et les Émirats Arabes Unis ». Oman est un pays qui aujourd’hui, grâce à sa façade maritime importante, ses formidables ressources de pétrole mais aussi de gaz naturel et de minerais, s’est doté d’un plan exemplaire de développement touchant tous les secteurs de l’activité économique. C’est aussi l’héritier d’une histoire fascinante, en particulier celle de sa lointaine tradition maritime.

Un vaste domaine maritime

En juillet 1981, les autorités chinoises accueillaient en grande pompe dans la rade de Canton une reconstitution d’un boutre arabe du XIIIe siècle, une telle scène ayant eu lieu de nombreuses fois dans le passé. Le navire avait été construit selon les méthodes traditionnelles à Şūr, au Sultanat d’Oman, avant d’entreprendre avec un équipage de marins omanais et occidentaux ce long voyage. C’était d’ailleurs pour les autorités omanaises l’occasion d’affirmer que leur pays, alors en plein renouveau, était depuis longtemps une grande puissance maritime. On peut toujours voir ce navire la « Sohar » sur le rond-point devant l’hôtel al-Bustan à Mascate au cours de notre circuit.

boutre sohar Oman

L’histoire maritime du Sultanat mérite un intérêt tout à fait particulier car Oman et la mer c’est une vielle histoire d’amour. En effet, grâce à une position géographique on ne peut plus stratégique et avec 1800 km de côtes, ce pays s’est trouvé à la croisée des plus anciennes voies commerciales du monde. De ses échanges permanents avec l’Extrême-Orient, les Indes, la Perse et l’Europe, Oman a non seulement reçu des influences de cultures diverses mais a aussi su influencer une partie de l’Asie et de l’Afrique. Rien d’étonnant donc à ce que dans ce pays des mille et une nuits la tradition maritime ait commencée il y a bien longtemps. Elle fit de ce petit pays de montagnes et de déserts, très tôt, un participant notoire à l’économie du monde. Oman fut même à certaines époques à la tête d’un véritable empire maritime, lequel contrôlait toute la côte irano-pakistanaise, du détroit d’Ormuz au delta de l’Indus, et une bonne partie de la côte africaine, à partir de la corne de l’Afrique jusqu’aux Comores. Il eut même au sein de cet empire deux capitales, l’une se trouvait à Mascate, l’autre à Zanzibar.

La genèse de la tradition maritime omanaise

Les fouilles archéologiques ont permis de reconstituer les origines de cette hégémonie maritime. Ainsi, près de Mascate, on a appris par des fouilles que la mangrove de Qurum était habitée dès le sixième millénaire avant notre ère par de petits groupes de pêcheurs. On a retrouvé des traces de cabanes en matériau léger, des foyers et des tombes. Ces vestiges nous racontent entre autres de façon évidente une conquête progressive de la mer. En effet on a pu se rendre compte que ces pêcheurs sont peu à peu passés de l’exploitation des ressources d’un rivage et de sa mangrove à celles du grand large.

Cela s’est passé, selon les datations du matériel archéologique, pendant le cinquième millénaire; un moment qui correspond à la période où les océans ont atteint leur niveau actuel, ceci après la fonte des calottes polaires du dernier âge glaciaire. Il faut bien visualiser qu’auparavant, durant la dernière glaciation, le Golfe d’Oman était vide d’eau de mer. Le Tigre et l’Euphrate s’y entremêlaient en de multiples ramifications entre lesquelles se trouvaient de vastes zones de marais. C’était un refuge pour les communautés animales et pour les chasseurs de la Préhistoire, un lieu d’abondance de nourriture. Avec l’invasion progressive par la mer de ces bassins marécageux – et le mouvement commença réellement à partir de 8000 avant J.C. – les êtres humains durent s’adapter aux contraintes d’un nouvel environnement. Comme la région se transformait peu à peu en une vaste zone de mangroves tropicales et de roseaux, il s’y développa une civilisation originale dont les Sumériens furent en partie les héritiers et les Arabes des marais du Sud de l’Irak, les derniers représentants. Une culture que l’on peut comparer aussi avec les amérindiens Uros qui vivent sur les rives du lac Titicaca au Pérou.

Dans cette région du Moyen-Orient les roseaux étaient l’élément essentiel. On vivait dans des huttes de roseaux et on se déplaçait sur les lagunes et les bras de mer dans des embarcations de roseaux calfatées d’un mélange bitumineux. Les tombeaux remontant au quatrième millénaire montrent pour la suite du cours du temps des évidences d’une population entièrement tournée vers la mer. La preuve en est que les défunts étaient inhumés avec des perles dans la main et souvent avec un crâne de tortue face au visage. Certaines sépultures montrent même des rituels d’inhumation dans lesquels le cadavre était transformé en tortue grâce à une carapace de galets imitant celle des grandes tortues vertes, un animal qui venait pondre sur le rivage et dont on consommait la chair et les œufs.

En parallèle, tout un outillage spécialisé se développa puisqu’on a retrouvé sur de nombreux sites des poids de filets et des hameçons en coquille. Il existe même une poterie, importée d’Iran vers 3500 avant J.C. qui avait été utilisée pour chauffer du bitume, suggérant comme nous le disions auparavant, la présence d’embarcations calfatées avec ce matériau. Selon les connaissances actuelles et toute logique on peut donc affirmer que dans cette région du monde apparurent des marins qui firent partie des premiers à oser affronter l’océan.

Il est intéressant de noter à ce stade-ci de cet article que les grands mythes véhiculent encore le souvenir de cette ancienne province de la Préhistoire orientale envahie par les eaux marines à travers la notion de « paradis perdu » ainsi qu’à travers celle du « déluge universel », un souvenir que l’on trouve autant chez les Sumériens que chez les Babyloniens ou encore dans les traditions monothéistes ultérieures. D’après tous ces faits, archéologiques ou mythologiques, on peut donc considérer que la navigation et le commerce maritime sont bien antérieurs à l’Histoire, même s’il n’y a que quelques bribes scientifiques à se mettre sous la dent.

Cadre géographique des premiers échanges

On a retrouvé un texte cunéiforme remontant au troisième millénaire et au tout premier empire mésopotamien nous informant que des navires en provenance d’Oman (connu à l’époque comme la région de Magan) venaient s’ancrer aux docks de la capitale de l’empire d’Akkad. On sait même qu’il s’agissait de navires, en tout cas pour ceux en provenance d’Oman, qui transportaient du cuivre, élément indispensable à la fabrication du bronze; un commerce qui, vraisemblablement, avait débuté plus d’un millénaire avant.

Un peu plus tard des échanges avec l’autre grande civilisation urbaine du Moyen-Orient ancien, l’Indus, est indiqué en Oman vers 2500 ans avant J.C. Entre autres par la présence de brûleurs d’encens ainsi que d’un modèle bien particulier de grandes jarres produites dans cette région frontière du sous-continent indien. Pourvues d’un pied solide et d’un col étroit, étanches, ces premières amphores semblent avoir servi au transport de produits alimentaires, sans doute là aussi en échange de cuivre. Au cours de ces époques reculées il existait donc visiblement un commerce florissant lequel devait utiliser la force motrice des moussons. Cette particularité de navigation sera précisément décrite, bien des siècles plus tard, dans « Le livre des choses qu’il faut savoir sur les principes élémentaires et les règles de la navigation », rédigé peu avant 1500 par le marin omanais Ahmad bin Majid. Il y décrit les bateaux se regroupant au début avril dans la lagune de Ra’s-al-Hadd, sur la pointe la plus orientale du Sultanat d’Oman, attendant la venue des vents et courants de la mousson d’été qui les menaient vers le Gujarat et, de là, vers les côtes indiennes. On en revenait à partir d’octobre avec la mousson inverse.

Les embarcations de ces époques reculées

On a trouvé plusieurs centaines de fragments du calfatage bitumineux de bateaux faits en roseaux dans des maisons de briques crues d’un village saisonnier de pêcheurs, à une dizaine de kilomètres au sud de Ra’s-al-Jinz (toujours sur la partie la plus orientale du Sultanat). Ces vestiges archéologiques ont été clairement identifiés grâce aux bernicles (ou patella) qui s’étaient incrustées sur la coque durant les traversées. Ils datent du milieu du troisième millénaire, donc de l’époque du texte cunéiforme que nous évoquions précédemment et ils sont tellement évocateurs que, combinés à quelques rares représentations sur des cachets et aux indications de textes, on peut assez aisément reconstituer l’apparence des premiers navires de commerce de l’océan Indien.

Il s’agissait de véritables bateaux dont la coque était formée de longs faisceaux de roseaux assemblés par des cordes et calfatés par du bitume. On y trouvait aussi des planches de bois assemblées, en fait cousues, bord à bord par des cordes et qui permettaient aux membres d’équipage de s’asseoir pour ramer si besoin était. Vraisemblablement ce bois était importé des côtes indiennes. Quand on sait que le bitume provenait du nord de l’Irak actuel, on peut commencer à mesurer l’ampleur du commerce international déjà à l’époque.

Plus tard, lorsque l’approvisionnement en bois fut systématique, apparurent les premiers boutres (ou dhow), des voiliers en bois « cousus », c’est-à-dire dont les éléments de la coque étaient liés entre eux par des fibres végétales. Ces embarcations étaient idéales pour le cabotage et la pêche et permirent aux Omanais de s’aventurer de plus en plus loin. Cette technique mélangeant bois et cordes végétales perdurera jusqu’à l’arrivée des premiers navires européens, en particulier portugais. À leur contact c’est le bois qui finit par être intégralement utilisé pour les navires et l’on voit encore ces modèles dans les boutres traditionnels.

boutre oman

Les denrées transportées par ce commerce maritime

Les périodes lointaines évoquées précédemment (4e et 3e millénaires) furent celles d’une première prospérité. Celle-ci cessa, pour des raisons qui ne sont pas tout à fait claires, mais qui ont certainement un rapport avec le déclin de la civilisation de l’Indus, peu après 2000 avant J.C. Puis à l’époque qui marque les débuts de l’âge du fer – soit plus ou moins aux alentours du treizième/douzième millénaire avant J.C., on note un renouveau des échanges maritimes, lequel a un rapport direct avec le développement important de la technique des falaj.

Pour rappel un falaj est un réseau d’adduction d’eau souterrain, conduisant aux nappes phréatiques au pied des montagnes, utilisé pour l’irrigation des cultures et qui sont la base essentielle à l’existence des oasis. Quand on visite le Sultanat on vous montre des exemplaires de falaj qui, justement, remontent au deuxième millénaire avant J.C. Ces systèmes sont inscrits à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2006. Ces premières oasis étaient organisées selon un modèle très proche de celui que l’on voit encore actuellement. Sous les palmiers qui fournissent l’essentiel de la nourriture, on cultive des légumes et des fruits, tandis que les céréales (blé, orge, sorgho) croissaient alentour dans des champs irrigués. Ces oasis et les denrées qu’elles produisaient se développèrent au cours du 2e millénaire pour répondre, entre autres aux besoins de nourriture de tous ceux qui travaillaient dans l’extraction et de la métallurgie du cuivre. C’est ce même cuivre, ainsi que les surplus agricoles, qui étaient ensuite exporté vers la Mésopotamie principalement.

Les échanges commerciaux avec la vallée de l’Indus, eux, se portaient, en termes d’importation vers la péninsule arabique, sur le bois, les céréales, les épices, les étoffes et différents produits alimentaires comme les oléagineux que l’on transportait dans les amphores précédemment décrites.

Un peu plus tard, le commerce international allait s’étendre encore plus loin car on a retrouvé des preuves d’importations d’objets chinois et de soie remontant à juste avant notre ère. Il y aura aussi l’exploitation commerciale des richesses de l’Afrique qui se faisait à partir de ses îles côtières. On parle cette fois principalement et malheureusement de la traite des esclaves et qui s’étendit sur plus de 12 siècles, jusqu’en 1875.

Le produit phare du commerce omanais : l’encens

Nous avons évoqué jusqu’à présent les produits de l’agriculture et le cuivre ainsi que certains des produits qui étaient importés mais il est une autre denrée qui a toujours été le fer de lance du commerce international de ces époques lointaines, voire un de ses produits les plus lucratifs : l’encens. La précieuse résine est extraite des arbres du genre Boswellia et plus particulièrement du Boswelia sacra, arbre à encens, qui pousse dans la région du Dhofar, la région du Sud du Sultanat d’Oman, à la frontière avec le Yémen.

L’encens était au centre des cultes égyptiens (pour l’embaumement), mésopotamiens (en particulier pour le culte au dieu Baal) puis de ceux des civilisations « classiques » méditerranéennes, hellénistique et romaine.  Il a emprunté pendant des millénaires la même route du Dhofar à la Méditerranée. Il était acheminé vers l’Inde (pour les crémations) à partir des ports d’Oman et du Yémen. On produisait aussi à partir des larmes cireuses de l’arbre à encens des remèdes et des cosmétiques. La demande était si forte qu’à ces époques l’encens valait parfois plus cher que l’or.

L’encens est non seulement à l’origine de routes maritimes mais aussi terrestres que l’on connaît aujourd’hui sous le vocable de « route de l’encens ». Elle remonte aux années 1800 avant J.C. et elle reliait alors l’Égypte à la péninsule arabique et arrivait jusqu’en Inde. Un passé prestigieux désormais inscrit en 2000 à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

En conclusion, au-delà de ce passé maritime et commercial prestigieux Oman ce sont aussi des forteresses ocres accrochées à des djebels arides, des canyons rouges où surgissent des palmeraies luxuriantes, des wadis qui s’écoulent vers les eaux turquoise du golfe, des villages pastel où paressent ces dhows qui sont les témoins de ces temps révolus que nous avons évoqué, une mer de sable brûlante que les êtres humains ont apprivoisée, des souks bruyants d’où s’échappent les effluves envoûtantes de l’encens et du santal. Rarement un voyage a proposé une telle mosaïque d’émotions et de sensations où les opposés côtoient les extrêmes dans une fluidité toute désinvolte. N’hésitez pas à contacter Voyages Lambert pour en savoir plus sur ce circuit au Sultanat d’Oman et à ses extravagants voisins, les Émirats arabes unis. Et pourquoi pas aller visionner la présentation du circuit, vous risquez de vous laisser tenter!

Amazing Lake and oasis with palm trees (Wadi Bani Khalid) in the Omani desert

 

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