La morue, l’or blanc des Lofoten

par Jean Louis Fabaron, guide-accompagnateur

Les pays scandinaves sont, depuis de nombreuses années, l’une des destinations phares de Voyages Lambert. La beauté des paysages baignés par la lumière presque irréelle du soleil de minuit, comme par exemple, les célèbres fjords de Norvège ou les archipels côtiers entre Suède et Finlande, font partie des incontournables de la vie exaltante d’un voyageur. Quant à la riche histoire des peuples qui habitent ces contrées septentrionales, leur inventivité architecturale contemporaine tout comme leur art de vivre, donne à cette destination une inépuisable source d’émotions culturelles. Lorsqu’on traverse l’un des points d’orgue de notre circuit Merveilleuse Scandinavie, l’archipel des Lofoten, qui se trouve au-delà du cercle polaire arctique en Norvège, on entend beaucoup parler de l’une des pierres angulaires et séculaires de l’économie de ces régions, à savoir la très célèbre morue, « l’or blanc » de l’Europe médiévale.

Plantons tout d’abord le décor. Les îles Lofoten (prononcé loufouten) sont très certainement l’un des plus beaux endroits de Norvège, pour ne pas dire au monde. Tous les grands voyageurs sont d’accord pour dire qu’ils ont rarement vu un endroit aussi sublime. Avec ses montagnes escarpées dominant presque verticalement la mer, on dirait que les plus hauts sommets des Alpes ou des montagnes Rocheuses surgissent, telle une gigantesque barrière, des profondeurs mystérieuses de l’Océan. Les fjords y sont d’un bleu profond, les plages de sable aux eaux turquoise y sont dignes des Caraïbes (les températures de l’eau mises à part!) et des villages de pêcheurs au charme fou jalonnent cette destination nature par excellence. Il y a vraiment dans cet archipel quelque chose d’unique. Selon la légende, c’est Thor lui-même, l’un des principaux dieux du panthéon nordique qui créa l’archipel. Le Dieu du Tonnerre voulant voir de plus près ce qui se passait dans ces eaux où il y avait toujours beaucoup d’activité humaine. Il se saisit de son marteau magique, Mjölmir, écima les montagnes du continent et jeta tous les rochers arrachés au large et ainsi en sautant de cime en cime il put enfin savoir ce qui occupait tant les êtres humains : ils pêchaient la morue!

view on popular fisherman village in Norway, hamnoy, lofoten. Reine

Morue, cabillaud, skrei, stockfish, de quoi s’agit-il?

Avant d’aller plus loin, de quoi parle t’on lorsque on évoque ce poisson ou plutôt ces poissons. En fait « cabillaud » et « morue » sont deux noms qui désignent un même poisson, un poisson qui appartient à la famille des Gadidés, il s’agit donc d’un nom vernaculaire. En règle générale le terme de cabillaud s’applique au poisson frais (ou surgelé) tandis que celui de morue s’utilise lorsque le poisson est salé ou séché, quoique dans ce dernier cas il puisse s’appeler aussi « stockfish » (le poisson qui s’entrepose) – c’est d’ailleurs le nom que lui donnaient autrefois les marchands de la Ligue Hanséatique, dont l’un des comptoirs principaux était situé à Bergen, le port par lequel transitait tout ce qui se pêchait au large de la Norvège et plus précisément aux Lofoten. Lorsqu’on voyage en Norvège, mais aussi lorsqu’on fréquente les tables les plus réputées dans le monde il se peut que l’on entende aussi prononcer le nom de « skrei » (prononcer schreï). Le skrei, (cabillaud de l’arctique – Gadus morhua), quant à lui, est une espèce particulière de cabillaud qui vient se reproduire entre janvier et avril au Nord de la Norvège, au large de l’archipel des Lofoten et qui provient la Mer de Barents. Son nom est tiré de l’ancien mot viking « skrida » qui signifie « j’avance » et qui fait référence à sa migration annuelle.

stockfish on drying racks in the Lofoten Island chain, northern Norway

La morue (ou le cabillaud) ainsi que ses cousins et cousines du Pacifique et du Groenland sont des poissons d’eau de mer vivant dans les zones froides de l’hémisphère Nord. Leur résistance aux températures basses vient d’une protéine antigel plasmique qui permet au sang de ne pas geler. Leur forme est allongée, oblongue et ils sont aplatis latéralement avec un ventre de taille relativement importante. La couleur est jaunâtre avec le ventre plus clair que le dos et l’on peut noter parfois la présence de taches ou ponctuations noires sur le corps. La nageoire dorsale est triple et la nageoire anale est double, les nageoires pelviennes sont triangulaires et la nageoire caudale est tronquée. La tête est pointue avec une bouche en position terminale basse. La mâchoire inférieure est munie d’un barbillon unique. Il n’existe pas de dimorphisme sexuel apparent chez cette espèce. Il s’agit de poissons carnivores qui se nourrissent de jeunes poissons, de mollusques et de crustacés. Les morues évoluent en pleine eau, en larges bancs, généralement entre 0 et 400 m de profondeur. Lorsqu’elles effectuent leur migration saisonnière il semblerait que le banc soit dirigé par un petit groupe d’individus dominants, donc cela pourrait signifier qu’il existe une hiérarchisation de groupe chez cette espèce. La reproduction est saisonnière et a lieu dans toute la colonne d’eau où vivent d’habitude ces poissons. Les femelles pondent en moyenne de 300 000 à 500 000 œufs. Les œufs fécondés éclosent au bout de 2 à 3 semaines, puis les larves deviennent pélagiques devenant ainsi partie intégrante de ce que l’on appelle le zooplancton.

Cod fishes couple floating in aquarium

La pêche miraculeuse des Lofoten

Depuis l’époque Viking, du 15 janvier au 15 avril, les Lofoten grouillent d’activité lorsque les skrei descendent par millions depuis la mer de Barents, plus au Nord, recherchant les eaux plus chaudes du Vestfjord pour y pondre leurs œufs; un périple de plus de 1000 km. Ces morues adultes ont entre 6 et 15 ans et mesurent de 60 à 150 cm. Dès les plus anciens âges de l’histoire norvégienne les hommes ont été attirés par cette manne et aujourd’hui ce sont jusqu’à 30 000 pêcheurs professionnels, ainsi que quelques centaines d’amateurs, qui viennent pour cette pêche miraculeuse. Cette invasion saisonnière pacifique a généré la construction sur le rivage même des « fiskevaer » (ports de pêche) et de baraquements de bois sur pilotis le plus souvent peints en rouge, appuyés à des appontements où sont amarrés les bateaux : les fameux « rorbuer », éléments caractéristiques des paysages de l’archipel. La flottille de pêche est représentée par une armada de bateaux pontés et d’embarcations ouvertes dont la taille varie de 4 m à 25 m de long. On distingue les « kutter » disposant d’une large plage arrière apte à recevoir la masse des filets et les « stØyte » conçus pour la pêche à la ligne; tous équipés d’un appareil écho-sonde destiné à repérer les bancs de poisson et d’un émetteur-récepteur radio à ondes courtes, auxquels il faut ajouter désormais tous les derniers avatars de la technologie moderne.

Fishing boats on a calm evening at the small harbor of Fredvang on Moskenes Island in Lofoten, Norway

Afin de préserver ce patrimoine hors du commun, les Norvégiens ont dû mettre en place une réglementation très précise autant sur la taille des prises, les horaires d’activité que sur les techniques de pêche, qu’il s’agisse de capture à la ligne ou au filet.  Ces règles strictes permettent de préserver le renouvellement de l’espèce et donc un commerce florissant qui rentre pour une part importante dans les revenus des habitants de l’archipel. On parle désormais d’une moyenne de 250 000 tonnes par an dont 30% environ est de la morue séchée à destination des étals portugais mais aussi italiens, brésiliens et nigérians; 50% est congelée (et la majeure partie se transforme en Fish and Chips au Royaume Uni); le reste s’exportant frais vers les autres voisins européens. De retour au port, le poisson aura donc deux destinées : soit comme poisson frais, soit pour être préparé pour le séchage où il devient le stockfish. Attention, tous les poissons ne peuvent pas prétendre au séchage! Il y a encore une fois des règles strictes à respecter pour l’obtention d’un bon stockfish. Aucun poisson blessé ne sera sélectionné, aucune trace de sang ne sera admise et l’entaille de la décapitation devra être nette. Après éviscération, tout en mettant de côté les foies et les rogues (sacs contenant les œufs), les skrei sont méticuleusement lavés à l’eau de mer, reliés par deux par la nageoire caudale et suspendus sur les rondins de bois des séchoirs à poisson, les « hjeller ». Pendant presque trois mois la nature fera le reste du travail car le climat dont les températures oscillent en hiver entre 0°C et +5°C est idéal pour le séchage du poisson. En effet en dessous de 0°C le poisson risque de geler, au-dessus de 10°C il peut se gâter. On a cependant de plus en plus tendance à remplacer le séchage naturel trop soumis aux aléas par un passage plus rapide en séchoirs, les « tØrskerier ».

Après ces traitements, la morue perd 70% de son poids en eau, mais conserve ses principaux éléments nutritifs (protéines, fer et calcium). Le stockfish ne prend donc pas de place et est riche en nutriments. Un produit depuis longtemps reconnu pour ses qualités diététiques et sa teneur en vitamines! N’oublions pas qu’au Moyen Âge c’était la viande idéale pour les périodes de carême, puisque « viande blanche ». C’était un produit sec qui pouvait se conserver pendant une dizaine d’années sans qu’on ait besoin de recourir à quelque système frigorifique que ce soit (ils n’existaient pas de toute façon!). Inutile de dire que c’est sur ces propriétés de facilité de transport et de stockage que s’est construit la puissance commerciale et financière de la Ligue Hanséatique et son fameux « or blanc ». Faites donc les circuits en Scandinavie avec Voyages Lambert car on adore vous parler de tout ça!

La morue, quel délice!

Pour une bonne qualité de cabillaud ou de skrei, donc en poisson frais, il faut choisir un poisson à la chair bien blanche, brillante et un peu nacrée, feuilletée et ferme. La chair est fort délicate et se prête à de nombreuses préparations mais attention elle est fragile, donc difficile à travailler. Elle est également très maigre car le cabillaud stocke ses excédents de graisse dans son foie et non dans ses muscles – la teneur en lipides n’est que de 1%. Poêlé, mariné minute ou tout simplement cuit à la vapeur; des préparations les plus simples aux plus complexes, ce poisson s’intègre parfaitement dans une alimentation saine et équilibrée. Une règle d’or cependant, ne le cuisez surtout pas trop! La morue est délicieuse surtout quand elle est simplement pochée et accompagnée de quelques légumes et d’un aïoli pour lui donner un peu de vigueur. Implicitement salée elle doit être dessalée, pendant plusieurs heures sous un filet d’eau courante ou dans un récipient dont on change plusieurs fois l’eau. Pour juger de son degré de dessalage le meilleur moyen est de goûter un petit morceau : elle ne doit pas être trop fade. Elle se cuit ensuite à l’eau, juste quelques minutes sinon elle devient dure. Le stockfish enfin, qui est le cabillaud séché à l’air libre doit tremper pendant plusieurs jours jusqu’à ce qu’il redevienne souple avant d’être travaillé. Il existe au Portugal et en Italie des centaines de recettes dans lesquelles chacun trouvera son inspiration, sans oublier la brandade, les beignets, les accras, etc….

 

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Morue à l'occitane

Je vous propose une recette toute simple, facile à réaliser, et aux accents de mon terroir occitan! Il est important de dessaler la morue en la laissant tremper au moins 12 heures dans de l’eau, en la changeant de temps en temps avant de faire la recette.

 

Préparation

45 minutes

Cuisson

30 minutes

Portions

4

Ingrédients :

800 g morue salée, dessalée

600 g pommes de terre

3 tomates bien mûres

1 gros oignon

75 ml d'huile d'olive

2 oeufs (facultatif)

Persil

Set et poivre

Câpres au goût

Instructions :

  • Faites pocher la morue dans de l’eau frémissante, pas bouillante car elle deviendra dure, pendant une dizaine de minutes. Réservez l’eau de cuisson.
  • Retirez la morue de l’eau et laissez refroidir.
  • Dans l’eau de cuisson de la morue, faites cuire les pommes de terre, préalablement pelées et coupées en grosses rondelles, et les œufs entiers (si désiré).
  • Lorsque la morue est froide retirer la peau et les arrêtes et défaites-la avec une fourchette.
  • Épluchez les tomates et coupez-les en petits morceaux.
  • Versez l’huile d’olive dans une poêle, faites frire l’oignon découpé puis les tomates et laissez cuire jusqu’à ce que les tomates commencent à se défaire.
  • Ajoutez la morue, les pommes de terre, le persil, le poivre et le sel et mélangez délicatement.
  • Retirez du feu, déposez sur un plat de service en rajoutant les œufs durs découpés en rondelles si vous le désirez.
  • Vous pouvez aussi garnir votre plat avec quelques câpres.
  • Servez. Bon appétit!

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